Squamish50: Mon premier 50 miler


Voilà, j’ai couru mon premier « 50 miler ». Je vous épargne la conversion mais ce n’est pas 80k, c’est bien « fifty miles ».

Some decent views from the trail we're using in both The Squamish50 & Survival Of The Fittest

Je ne suis pas sûr de savoir par où commencer, il y a simplement trop d’histoires à compter. Je vais donc commencer par le « training ». Je me suis blessé en mai (tendinite au psoas) et j’ai dû prendre 5 semaines de repos et manquer toutes les courses de début de saison auxquelles je voulais participer. Ça ne fait donc que 5 semaines que j’ai recommencé à courir. Pour jouer « safe », j’ai évité de faire trop de dénivelé depuis mon retour puisque c’est ainsi que je me suis retrouvé sur le banc. J’ai réussi à remonter mon millage à un bon niveau et j’ai décidé d’acheter un billet d’avion pour Vancouver il y a 10 jours. Je savais que je n’avais pas l’entraînement adéquat et que ce serait rude mais j’ai un objectif en tête: accumuler 7 points pour participer à l’ultra du Mont-Blanc d’ici 2015. Squamish est la première étape pour y arriver en accordant 2 points à tout ceux terminant l’épreuve de 50 miles et 3500m de dénivelé positif. Le nombre de courses permettant d’accumuler des points en Amérique du Nord est limité et de toute façon, après en avoir autant parlé, je devais tenter ma chance.

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J’avais réservé une chambre dans les résidences universitaires de Squamish où je me suis retrouvé jumelé à une jeune Néo-Zélandaise et sa mère. « Lucky me », je venais de trouver la plus parfaite « crew » de support que j’aurais pu rêver d’avoir. Eux et leurs amis coureurs/euses de Vancouver m’ont encouragé et transporté tout le weekend. Comme me dit mon amie Fannie, j’ai le « cul bordé de nouilles ».
5am and the running elfs are at it already

1 d’entre eux participait au 50 miler. Après un réveil à 4am et une nuit très courte dû à ma nervosité, je me suis retrouvé sur la ligne départ dans l’obscurité évanescente du bord de la baie à Squamish avec un nouveau pack-sack Salomon rempli d’eau et de gels. À 5h30, le départ a été donné sans trop de fanfare et nous nous sommes mis à traverser la ville en empruntant des sentiers plats et faciles. Je regardais régulièrement ma montre pour m’assurer de ne pas m’emballer, notre « pace » oscillant entre 4:45 et 4:55 du kilomètre. Facile. Le temps d’échanger quelques mots avec le petit pack de 5 personnes dans lequel je me suis retrouvé et nous bouclions notre premier 10k de plat en un peu moins de 50 minutes. Un premier court ravitaillement le temps d’avaler un verre d’eau et se mettre 2 gels dans les poches et nous étions repartis.

I want to live here. Spotted on the @squamish50 course

Nous avons ensuite basculé dans le bois et la monté a commencé. D’un accord tacite, les montés se faisaient à la marche. Notre Anton Krupicka barbu les montait au pas de course mais sans gagner aucune avance. Après m’être fait dire des dizaines de fois que les montés doivent être fait à la marche, ça semblait naturel de le faire. Après tout, on a encore 65k devant nous.

Les trails dans le coin d’Alice Lake sont relativement faciles quoique requérant une certaine attention pour ne pas se retrouver au tapis. Première chute bénigne. Je suis en contact avec 3 autres gars et une fille. On sent que nous allons nous revoir souvent au cours de la journée, s’échangeant position selon le dénivelé et les arrêts plus ou moins longs au ravitaillement. Mon iPod neuf décide de déclarer faillite sans que je sache trop pourquoi.

Marking a section of the Squamish 50 course

Après une première bonne section de descente très agréable, nous arrivons au 2e « pit stop » à Alice Lake. Un peu d’eau et je repars. Frais comme une rose. Je croise la charmante Elizabeth qui m’a conduit avec son chum jusqu’à la ligne de départ. Je lui tape dans la main. Il me passe par la tête que je vais bientôt pouvoir dire que j’ai couru mon premier « 50 miler ». Je ferai parti du club. Le soleil n’est pas encore sorti mais l’humidité et la chaleur laisse présager une journée qui donne soif. Ça fait maintenant près de 3h que ma camisole est trempée de sueur bord en bord.

Les prochains 17k passent en un clin d’oeil. Des trails de qualité, un bon feeling et toujours les mêmes personnes autour de moi. Les 2 derniers kilomètres descendent et la fille de notre groupe les dévale à une vitesse nous laissant un peu plus humbles et poussiéreux. Elle part de loin derrière moi pour émerger loin devant tout le monde. L’atmosphère n’est pas à la compétition mais son habileté et sa vitesse en descente me rappellent que je n’ai pas trop travaillé cet aspect durant les 5 dernières semaines.

Je repars rapidement du ravitaillement #3 après avoir fait remplir mon sac d’hydratation. Je sais que nous y repasserons après une boucle de 10k. En descendant sous un soleil maintenait plombant dans le chemin forestier menant au départ de la boucle, nous croisons le chevelu meneur de la course. I feel good. Cette boucle comporte une montée très technique mais c’est dans le downhill que je me retrouve à dépasser quelques-uns de mes comparses. Suis-je descendu trop vite? Je ne sais trop. J’apprendrai plus tard que je suis dans les 15 premiers à ce point. Après 27km, je me félicitais d’avoir déjà complété le tiers de la journée. Maintenant je réalise que je n’ai toujours pas fait la moitié du parcours. Je me fait dépasser à bon train par un coureur que je n’ai pas vu encore. Quelques mètres plus loin je le vois rejoindre la « downhill queen » qui semble avoir perdu un peu d’allure alors qu’ils reviennent à la 3e station. J’y avale un pouding soya chocolat, échange ma gourde de gel pour une pleine et je repars vers la plus difficile montée de la journée. Environ 11k jusqu’au prochain ravito séparés presqu’également entre une montée et une descente.

Catching my run partner sidestepping some woodwork during a 40k #Squamish50 run day

La montée pas trop technique se fait à la marche et je reviens tranquillement sur la « downhill queen ». Elle me lance que nous ne nous reverrons probablement plus de la journée sur quoi je lui annonce l’avoir baptisée la « downhill queeen ». Quelques mètres plus loin, je m’arrête pour chasser les crampes naissantes dans mes quadriceps. Elle me rattrape et me dépasse. Elle avait raison, nous ne nous reverrons plus de la journée. Il reste 2 km de montée avant de basculer dans la descente et il semble inévitable que je passerai le reste de la journée à me battre avec des crampes aux quadriceps. Continuer d’ingérer des comprimés de sel n’y changera plus rien. This is where the hard part begins.

La descente me fait réaliser que ce ne sont pas les montés qui seront mon plus gros problème pour rallier l’arrivée. Le terrain est si escarpé qu’il est impossible de réduire l’impact de chaque pas en descente. Mes quads se contractent à chaque pas. On ne parle plus de début de crampes mais de muscles qui tressaillent violemment. C’est ici que le côté mental de la chose commence et je contemple l’échec assez sérieusement pour la première fois. Je ne sais pas trop comment décrire la douleur de descendre des trails sur des quadriceps et maintenait des isichios complètement crampés à part ainsi: ça fait mal en tabarnak. Après avoir passé quelques kilomètres à stupidement compter la distance jusqu’au fil d’arrivé au lieu d’y aller ravito après ravito, je me convainc que si je peux me rendre au 60e kilo, j’arriverai bien à serrer les dents pour le dernier 20. Je me souviens assez peu de la station 4 à part qu’elle n’est qu’à 8km de la station 5 où m’attend un sac de bouffe, une visière propre et un wristband sec. La batterie de ma montre à 400$ est déjà morte et je dois me fier aux estimés approximatifs des bénévoles rencontrés.

Je repas à la marche du ravito 5 après avoir changé de visière, rempli mon sac d’eau et vidé un autre bon litre sur ma tête commençant sérieusement à surchauffer. J’y vois un de mon groupe qui glace sa cheville foulée. Je repars en montée et je me fais dépasser par un couple de plus de 50 ans de « 50 milers » discutant du divorce de l’un et de la game de soccer de l’autre. J’ai l’impression d’être dans un mauvais film. À la ré-entrés dans la forêt, je fais un bref détour pour m’asperger de l’eau glaciale d’une cascade question d’éviter un sautage de « gasket ». Les prochains 10kms seront probablement les plus difficiles de la course, n’ayant pas encore accepté que je devrai marcher une bonne partie du parcours restant, descentes et plats inclus.

Nous y ferons aussi la rencontre de celle que nous appellerons « The asian lady » après la course. La jolie jeune bénévole et son t-shirt blanc immaculé sont assis sur un tronc d’arbre gigantesque au départ de ce qu’elle présente comme « just a little loop ». Well this has been voted one of the toughest part of the course. Des montées en switchback exposées au soleil dans des montants buchés il y a 5-10 ans et où seuls plantes et arbustes ont repoussés. Aucune zone d’ombre sur près de 5 km. Pour bien faire, des dizaines d’autres coureurs et moi-même mettrons le pied sur un nids de frelons qui se vengeront avec une attaque ciblée de mon mollet droit. Redefining hell.

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Mais ô miracle! Alors que le moral est à son plus bas et que le soleil est à son plus haut, mon oreille semble halluciner le groove de Get Lucky de Daft Punk. Et au beau milieu de cette montée exposée se trouve un mec nous attendant avec son ghetton-blaster et une glaciaire pleine de Mister Freeze. Le coureur m’ayant dépassé alors que les frelons s’en donnaient à coeur joie sur mon bas-jambe résumera parfaitement cet interlude: « Best fucking brain freeze ever! »

La boucle de l’Asian Lady fût tellement rude que tout ceux à qui j’en ai parlé ont admis avoir oublié la jeune asiatique sur son tronc d’arbre avant de la voir ré-apparaître. Disons que plus d’un lui ont suggéré de revoir sa définition de « just a little loop ». Son adorable sourire me rappellera que je suis pas encore sorti du bois.

Un peu plus loin j’arrive au 6e ravito où j’y rattrape ma coloc participant au 50k. Une petite blonde de 120 lbs et 5 pieds de haut m’ayant dépassé alors que je laissais passer mes crampes. Elle me conseille véhément de manger des trucs salés, ce à qui je me retiens de lui répondre: « I can’t eat anything for Christ’s sake! » Je réalise aussi que j’ai passé la barrière psychologique du 60e kilomètre. I think I am going to make it. Just take it easy. Plenty of breaks, not much running and you’ll get there Phil. Le seul problème avec ma tactique c’est que 5 kilomètres à la marche, c’est long en ti-péché.

I love this place #2 #Squamish #SQ50 @squamish50 #TheChief #Valleycliff

Après ce qui me semble être une éternité, j’arrive au 7e et dernier ravito. Et quoique le fil d’arrivée approche, je comprends que ce seront sûrement les 10 kilomètres les plus douloureux de ma courte carrière de « gars qui aime ça avoir mal ». Je suis à peu près rendu à prendre un break à chaque 2km. Je n’ai pas échangé de paroles depuis des lunes lorsqu’une petite militaire d’Edmonton me rattrape et me suggère de m’accrocher à ses patins. À voir la manière dont elle court, il est évident que ses mollets sont aussi crampés que mes jambes. Je me remets à courir pour quelques kilomètres. Just keep moving.

Elle s’accroche violemment les pieds et se retrouve au sol et en choc. A really nasty fall. Je me penche rapidement pour l’aider à se relever quand mon isichio se crampe et que je me retrouve à mon tour sur le dos. « Look at us, dumb and dumber on the trail » sera sa façon de nous décrocher un bon rire après 75km et plus de 11h de course. Je la laisse aller un peu plus loin quand la descente me force à reprendre un temps d’arrêt. Downhill? 3km? Des escaliers à 50 degrés d’inclinaison. Plus rien n’a trop d’importance. Je suis rendu.

1 kilomètre de sentier plat pour arriver en ville et un dernier kilomètre dans les rues du petit centre-ville de Squamish et les voilà: ma troupe de supporters et la ligne d’arrivée.

..

I made it. Not because I am strong, just too stupid to quit. Je ne sais pas combien de temps mes jambes prendront à récupérer, mais je fais partie du club. I am a 50 miler.

Mes conversations d’après-course tournent autour du nid de frelons, de l' »Asian Lady », du gars avec ses Mister Freezes et un paquet d’autres histoires. Elles m’apprenant aussi que mes compagnons de course que j’ai perdu un peu avant le 40e kilo ont terminé en 10h30, environ 2h avant moi. Et 75 minutes de plus que l’an dernier et donc un parcours beaucoup plus difficile. Qu’importe, je sais maintenant ce que j’ai à faire avant la prochaine course si je veux terminer avec eux.

Great event, great people, great trails. Et 2 points dans ma sacoche.

Aujourd’hui, je me repose.

 

EDIT: Je viens de corriger un beau paquet de fautes de grammaire. I blame running.

Comments
  1. David Germain

    J’aime ton récit, j’aime ton blogue. On se croisera peut-être un jour dans un sentier près de chez vous…

  2. Stephane Trahan

    Merci Phil pour le récit. Très bonne lecture!!

    Stef

  3. philgo20

    Certainement David. Si tu es à Montréal, laisse moi savoir, le Mont-Royal est mon terrain de jeux.

    Merci Stéphane.

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